Recension d’Abattre l’ennemi de Juan Branco aux editions Michel Lafon, 2021.
Abattre l’ennemi. Le titre peut porter soit à frémir soit à fantasmer. Pourtant, Juan Branco semble ne pas vouloir reproduire l’échec de la Terreur. Ne pas offrir à l’ennemi la chance de passer pour notre victime : “Ne sombrons pas en cette erreur qui, habitant les années passées, fit perdre entre terrorismes et luttes anomiques des êtres qui auraient pu autrement devenir socles à penser.” (p. 175). Compte moins de se débarrasser des personnes actuellement nocives, qu’il faut néanmoins juger, que de réduire à néant les conditions de possibilité de toute caste. C’est-à-dire produire des outils théoriques concrets qui en cas de révolution permettront non seulement de se défaire de cette engeance corrompue, bien identifiée notamment par le concours de Crépuscule, mais surtout d’en rendre toute réémergence future impossible ; que cette fois-ci, la révolution, si elle devait advenir, ne soit pas confisquée, même par les révolutionnaires. Car si “nos ennemis sont ceux qui considèrent la société comme un instrument au service de leurs intérêts » (p. 24), l’ennemi véritable n’en est pas moins avant tout systémique et découle d’une organisation de nos institutions qui ne peut produire in fine que de la corruption.
L’apport de Juan Branco dans ce livre est de premier ordre en ce que, après une approche analytique, son livre offre une phase propositionnelle extrêmement condensée et conséquente qui, à ce que les Gilets Jaunes avaient fait émerger dans leurs assemblées dans toute la France, ajoute une approche concrète, pratique et peut-être exhaustive de la prise — et le cas échéant de la mise immédiate en incapacité de nuire — des multiples foyers du pouvoir. Et pour que cet apport concret soit fait, il fallait une connaissance intime du pouvoir et de ses lieux, connaissance que son parcours lui a offerte. Car, si nombreux sont les intellectuels à traduire en des concepts éclairants et parfois brillants ce que nous vivons, et si nombreuses sont aussi les personnes des classes populaires à avoir compris ce qu’il fallait changer dans ce Pays pour asseoir la souveraineté du peuple (RIC, mandat révocatoire, etc.), ce qui a toujours manqué en revanche, c’est le mode d’emploi institutionnel pour ne pas se faire bouffer immédiatement le pouvoir pris ; crainte souvent exprimée à juste titre par Frédéric Lordon notamment. En effet, que faire des Prefets? que faire de la Cour des Comptes? du Sénat? du Conseil Constitutionnel? de la Police? etc. et surtout qu’en faire immédiatement arrivé au pouvoir pour empêcher l’hydre de se voir repousser trois têtes là où l’on en aurait coupé qu’une? Des dizaines de propositions brutes sont ainsi soumises au débat ; à nous de nous en saisir. Je ne m’étendrai pour ma part pas sur cette partie propositionnelle qui, tant elle est dense offrirait ici une production excédant largement les limites d’une critique. Tout juste peut-on ici affirmer qu’il s’agit d’un État central fort où les modalités de contrôle citoyen sur chaque échelon du pouvoir sont pensées, assorti d’une autonomisation rapide des communes. Le jacobinisme n’y est pas l’ennemi du girondisme mais sa garantie d’épanouissement transitoire. Ceux que la partie analytique d’un ouvrage rebute peuvent directement se rendre aux deux sections propositionnels du livre : Chapitres V et VII, Agir et Gouverner, dont ils pourront ainsi mesurer l’apport pratique par rapport aux propositions GJ notamment. Pour l’auteur, “ce qui avait manqué à la réussite des Gilets jaunes — [c’est] un pouvoir alternatif pensé, réfléchi, prêt à s’élancer.” (p. 127) Après la lecture de ces deux chapitres, voilà qui semble ne plus manquer.
Très marqué par l’approche philosophique de Thomas Hobbes, sur lequel il appuya sa thèse de doctorat, Juan Branco repère l’ennemi comme celui qui trahit le contrat social, contrat censé équilibrer les pulsions individuelles sous la coupe du souverain auquel est déléguée la “sauvagerie” — la « violence légitime » dirait-on après Weber. En opérant un déplacement de son rôle de représentant du peuple au rôle de simple défenseur de ses intérêts privés et de ceux de la caste à laquelle il est lié, pieds et poings liés même, l’ennemi trahit la base même de ce qui fonde la paix civile sans pour autant en ressortir souverain. Car si ces hommes, élus ou satellitaires, dont les “princes de la République”, servent leurs intérêts, ils ne sont pas pour autant libres, et tout acte, même infime, de résistance à l’ordre établi les voit immédiatement menacés par le “pistolet de la réputation” (p. 131). Ce ne sont donc que des serfs. A cet égard le parcours de Juan Branco et le traitement médiatique qui lui fut réservé dès lors qu’il trahit sa caste est édifiant. “Le temps de survie dans l’espace médiatique est très faible quand vous refusez toute compromission.” (p. 128). Le chapitre Raconter apporte la preuve par le vécu de l’auteur du comment fonctionnent ces espaces-là. Et à ceux qui se seraient laissés affecter par l’image ubuesque donnée par la presse mainstream de l’auteur, on ne peut qu’inviter à aller eux-mêmes enquêter sur la factualité des faits rapportés. L’auteur n’a en effet pas cessé d’apporter des éléments de démentis face à ces attaques, mais cette focalisation sur sa personne pour éviter de traiter du fond, et invisibiliser les révélations faites sur nos dirigeants et leur corruption, le fit lui-même entrer dans un cercle de justification permanente pouvant laisser à penser que parler de lui-même était plus important que de parler des idées ou de défendre des personnes, d’où la litanie des attaques toujours portées sur son ego. C’est un piège connu, tel qu’il le décrit s’appliquant aussi à Julian Assange, mais qu’on pourrait tout aussi bien illustrer, quoi qu’on pense de lui, par le traitement médiatique réservé en France à Jean-Luc Mélenchon dont les attaques permanentes sur la personnalité invisibilisent totalement et à dessein les idées et le programme dans l’espace médiatique. L’auteur confesse : “Les accusations insensées se multipliaient, déplaçant le combat sur ma réputation, me forçant à parler plus encore de ma personne que de mes idées. Démontrer qu’ils mentaient, qu’ils manipulaient, deviendrait une obsession, fruit d’une blessure profonde aux ressorts parfaitement orchestrés.” (p. 112). Comment répondre à la diffamation permanente sans se mettre en avant ? Nos ennemis “contrôlent l’espace du visible” (p. 79) et ce faisant, agitent une apparence de démocratie. Eux dont la “paye s’indexe sur leur capacité à s’aveugler” (p. 80). C’est sans doute la partie la plus chomskyenne de l’oeuvre que cette analyse implacable des rouages des médias le plus souvent aveugles à leur propre servilité.
Dans un tel contexte, pour l’auteur, gouverner, c’est, par essence, résister : “Gouverner la France, c’est avant tout résister à l’immonde, aux forces qui ne cherchent qu’à avaler sans ne rien rendre. Gouverner la France, c’est, faisant corps, aider son peuple à s’unifier, lui permettre de se réfugier en des fondements que les siècles ont fécondés. […] C’est, en somme, résister.” (p. 12–13). C’est une approche de la souveraineté très proche de celle de la création telle qu’on la retrouve chez Gilles Deleuze où “créer c’est résister” mais qu’on retrouve déjà chez Georges Bataille ou Maurice Blanchot dont Deleuze hérita tant. Ce n’est pas étonnant quand on connaît l’influence de l’oeuvre de Georges Bataille sur Juan Branco, Bataille étant lui-même auteur d’une théorie de la souveraineté inachevée mais cruciale en tant qu’acmé annoncée de son œuvre (Georges Bataille, La souveraineté, éditions Lignes 2012, réédition de 1976 chez Gallimard), influence qui était particulièrement patente dans son livre D’après une image de Daesh, Bataille pour lequel la souveraineté comme chez Branco n’est pas qu’une simple question d’organisation politique mais bien la seule question qui vaille humainement parlant : “Si nous vivions souverainement, la représentation de la mort est impossible, car le présent n’est plus soumis à l’exigence du futur. C’est pourquoi, d’une manière fondamentale, vivre souverainement, c’est échapper, sinon à la mort, à l’angoisse de la mort du moins. Non que mourir soit haïssable — mais vivre servile est haïssable.” (G. Bataille, La Souveraineté p. 39.). “Vivre servile est haïssable”, voilà ce qui est au cœur de la pensée de Branco. Comme chez Nietzsche, l’épiphanie brancolienne vient d’un affect, d’un écœurement : la servilité est laide, ne permet aucun enfantement, ne porte qu’à préserver l’existant — les plus serviles étant ceux dont l’aisance matérielle devrait pourtant laisser à penser qu’ils sont les plus libres : nos “princes”. Ils sont princes et pourtant, ils ne sont pas souverains. C’est déjà ce défaut total de souveraineté, alors incarné en la figure “épitomique” de Hollande, que D’après une image de Daesh interrogeait anxieusement, les terroristes nous offrant en reflet dans le miroir de leur courage dévoyé, le néant grotesque de notre apeurement. “C’est ainsi que le 13 novembre 2015, Daesh est apparu infiniment plus souverain que nous, qui nous montrions incapables de comprendre cet acte, et même seulement d’y répondre.” (D’après une image de Daesh p.41). Aucune glorification de Daesh en cette analyse, le groupe terroriste n’y est vu que comme un simple miroir terrible de notre inanité : “Le souverain absolu apparaît, imaginé après lecture de la théorie inachevée de Bataille, comme un être misérable, presque autant que l’est son contraire, le bourgeois, aussi esclave du rien que le bourgeois l’est du tout, aussi indifférent au monde — et donc cruel — que le bourgeois est servile du fait de sa dépendance à la chose.” (D’après une image de Daesh p.46).
Cette laideur des temps est d’autant plus prégnante qu’à la simple donnée de la servitude, l’époque ajoute une autre contrainte, celle d’un monde du pétrole que le changement climatique et la raréfaction des matières premières condamnent à être en fin de course. “Le coût qu’implique la bascule entre les combustibles fossiles et ce que l’on nomme les « énergies renouvelables » est tel qu’il ne saurait être envisagé de le financer en préservant les intérêts de tous ceux qui, dans la période précédente, auront bénéficié des ressources que les hydrocarbures produisaient.” (p. 134). Un monde finissant, mais d’autant plus agissant et salissant que menacé, qui fut celui de la course à la consumation qu’inaugura l’usage des matières fossiles et dont on peine encore à saisir le mouvement d’accélération qu’il produisit en changeant radicalement le rapport à l’autre dans un processus où le désir devint désir d’épuisement, de consommation de l’objet puis du tiers. C’est le moment pasolinien de la bourgeoisie décandente qui amène Branco à évoquer la prolifération des affaires de mœurs de nos dirigeants, non pas par jugement moral, mais bien comme symptôme inquiétant : “La défaillance du politique entraîne immédiatement, quoi que de façon peu visible, celle de l’intime.” (p. 164) C’est le monde de Salò de Pasolini, où la vérité de tout rapport devient le viol, l’accaparement la norme. C’est le surgissement dans l’espace du visible de la confirmation de la destruction de tout rapport à l’altérité de cette caste, où l’autre n’est rien, rien qu’un objet à exploiter même sexuellement: “Dévorant tout ce qui faisait son attrait, mangeant le miel qui jusqu’alors servait d’appât aux citoyens par son mouvement attirés, [le politique] nous plonge dans le monde de Salò, si bien décrit par Pasolini, où la jouissance elle-même se trouve décontenancée par son incapacité à manger autre chose que son propre corps décomposé.” (p. 57) D’ailleurs nos ennemis, ne sont en un sens que cela, “ ceux qui nous ont empêchés d’aimer, de vivre et de partager » (p. 25). À cet égard la différence faite entre amour et passion dans le passage qui suit nous semble cruciale dans la compréhension de l’auteur :
“L’amour n’est en notre regard que le fait du pouvoir rendu à l’ataraxie, c’est-à-dire à la mise en cohérence des puissances respectives, aussi précaire que peut l’être tout équilibre recherché en une société. La passion est en cela le sentiment du siècle charbonneux, déglingué en ses limites par une matière qui bientôt donnerait naissance aux viscosités de la putréfaction, ce pétrole déjà décrit, lui-même producteur de mort, accumulé suite aux défonctions organiques produites des millénaires durant, macérant sous nos terres et soudain jaillissant comme la vie du cadavre déterré, éviscéré, autorisant par son surgissement toutes les pénétrations du vivant, explosion organique présentant, à l’échelle d’une planète, d’étonnantes similitudes avec une gigantesque décomposition. Accélération et désajustement du sentiment, la passion est l’expression épitomique, le symptôme absoluisant d’une époque qui trouva dans le romantisme sa meilleure expression. Que l’on ait considéré, peut-être rétrospectivement, et avant même d’interroger ce que le silicium lui ferait succéder, l’âge précédent — le classique — comme celui qui permit d’atteindre la forme la plus achevée de la civilisation ne fait que renforcer cette conviction. ” (p. 163–164).
On retrouve ici ce qui déjà obsédait Nietzsche dans son combat contre l’inversion des valeurs, la décadence que symbolisait notamment pour lui la musique de Wagner qu’il aima pourtant tant. L’avant-propos au Cas Wagner est à cet égard éclairant: “Qu’exige un philosophe […] ? De triompher en lui-même de son temps, de se faire “intemporel”. […] Je suis tout autant que Wagner, un enfant de ce siècle, je veux dire un décadent, avec cette seule différence que moi, je l’ai compris, j’y ai résisté de toutes mes forces. Le philosophe, en moi, y résistait.” (Nietzsche, Le cas Wgner, Folio Essais) Car si, malgré sa charge implacable, Nietzsche fut le premier à apprécier la musique de Wagner — peut-être même plus que tout autre — sa raison savait que ce n’était pas sain et que ce qu’il percevait comme une musique de la glorification de la souffrance, du “vouloir-mourir” était une antithèse à la célébration de la vie, un poison. Ce pourquoi il lui opposa Bizet et l’amour. De même, si on doute que Branco ne soit pas lui-même un être de passion, il semble conscient d’une façon très aigüe que ce n’est pas un mode sain de fonctionnement et de rapport à l’autre et que ce mode de jouissance est le fruit d’une civilisation décadente à bout de souffle dont il est lui-même un enfant : le philosophe, en lui, résiste.
Nous sommes donc dans une société du manque prochain de ressources (même si on peut regretter qu’elles ne manquent pas assez vite compte tenu des enjeux écologiques), des ressources mêmes qui, directement ou indirectement, ont constitué les fortunes en place ; nous sommes dans l’“ asservissement à un ordre de ressources décroissantes ” (p. 64). Un monde d’héritiers vivant jusqu’alors sur l’acquis et l’abondance, incapables de penser le changement, puisque n’ayant jamais eu à créer sinon simplement à entretenir une rente, et où la ressource venant à manquer, l’avidité et l’accaparement, la consommation de l’autre qui étaient déjà loi mais masquée s’exaspèrent jusqu’à un point de rupture. Si bien que même face à l’événement majeur Covid, là où la nécessité criante d’enfin créer les conditions de possibilité d’un avenir eût dû se faire sentir, nos gouvernants n’ont rien fait d’autre que dilapider de l’argent en pure perte en mettant sous perfusion un monde révolu issu du pétrole, favorable aux plus privilégiés. Aucun investissement, aucune pensée. “ Nulle opportunité ne fut saisie pour faire de ce temps de paralysie l’œuvre fécondante qui nous ferait demain, changés, ressusciter. ” (p. 36). Ils ne sont que corruption, même quand l’enjeu requiert l’éclosion. La corruption c’est aussi et surtout celle du fruit pourri, d’un monde en putréfaction dont plus rien n’arrive à naître. Cette analyse c’était dèjà celle faite dans son essai Contre Macron pour expliquer le devenir nécessairement autoritaire de Macron : “Sa politique et son autoritarisme ne peuvent être perçus que comme le résultat de cette adhésion absolue à l’existant qui, propre aux êtres manquant d’imagination, ne considère le réel que comme une ressource à exploiter et non une donnée à modifier.” (p. 135 Contre Macron Editions Divergences 2018)
Pour l’auteur, le contrat social étant caduque, confier ce qui nous pèse, gérer la part excédentaire, maudite, reviendra nécessairement tôt ou tard au peuple : “ Survient alors le plus dur pour la société : la prise de conscience qu’il faudra, une nouvelle fois, assumer cette part maudite dont elle pensait s’être débarrassée et supporter en propre la sauvagerie qu’elle avait déléguée, le temps de retrouver un nouveau corps souverain à consacrer. ” (p. 51) ; “ Le politique [étant] le déversoir de nos sociétés, un espace sacré et maudit où nous projetons tout ce qui au plus profond de nos âmes nous apparaît comme devant être purgé. ” (p. 54). Car si la voie de l’élection présidentielle n’est pas totalement écartée dans ce chemin, gardant en elle un potentiel révolutionnaire, la voie révolutionnaire semble privilégiée comme la plus probable tant l’échiquier politique est verrouillé et vérolé. Il faut que quelque chose trouve les moyens d’éclore et toute éclosion, tout enfantement nait dans la violence : “Tout enfantement est une violence. Et c’est de cette violence que surgit la beauté. Genet, le plus grand auteur français que le XXe siècle a, avec Céline, engendré, rappelait qu’il n’y avait rien de plus violent que, rompant le bourgeon, la rose qui naît.” (p. 18). Et c’est la prétention de ce livre d’offrir des armes pour être prêts le moment venu à prendre le pouvoir et être assuré que si cela doit se faire par la violence, cela ne sera pas dans une violence aveugle et stérile mais bien dans la violence dont est faite tout enfantement. Car, avec le mouvement des gilets jaunes, “ Si la révolte avait triomphé, la révolution avait échoué. ”. (p. 34).
C’est enfin à nos yeux toute la beauté de ce livre, et son humilité aussi que de se garder de dessiner un projet de société, de ne pas verser dans l’utopie, mais de se contenter avec conséquence de penser les conditions de possibilité du politique, c’est-à-dire de la création politique, car si gouverner c’est résister, c’est donc créer. “Le politique, c’est une évidence, n’est pas affaire d’ontologie, et les régimes les plus autoritaires ne nous inspirent dégoût et nausée qu’en ce qu’ils sont symptômes d’une défaillance vitale qui consiste à sidérer plutôt que de produire du mouvement. Que le politique soit l’espace où les différentes temporalités se rejoignent, exigeant une énergie brute pour le poétiser — c’est-à-dire, au sens le plus étymologique, le rendre créateur –, est une évidence à nos yeux en ce que nous cherchons à travers lui à produire de la beauté.” (p. 181). Pour Branco, seule compte de rendre au politique sa noblesse, à savoir sa capacité à créer. Nous n’avons pas à prédéterminer la forme de l’enfant qui en naîtra : “Nous nous mouvrons guidés par un seul souhait : celui d’enfanter un monde sans le prédéterminer.” (p. 190). Pas tant un programme, une planification donc que le socle, le socle des conditions de possibilité d’un pouvoir créatif, capable d’enfantement et capable d’assurer les conditions de possibilité de l’altérité car, si l’on en croit l’auteur, “ La question centrale que posèrent les Gilets jaunes fut celle de la fonction, de la place qui, au sein de la société, ouvre et autorise l’amour et l’amitié. ” (p. 164). L’amour apparaît ainsi comme la notion philosophique qui est au coeur de la pensée de Juan Branco, ou plutôt la question des conditions de possibilité de l’amour par opposition à la passion qui n’est que le plaisir à s’entredéchirer que produit une société du manque et du néant.
Thomas Énalcar,
le 23 avril 2021.